1 mois plus tard….

1 mois à Montréal.

Ca va faire 1 mois que j’ai vu le fleuve Saint Laurent pour la première fois à travers les vitres d’un cockpit.

Que j’ai un nouveau contact  dans mon portable qui s’appelle bus avec lequel j’ai des conversations longues et passionnées.

Que je mange dans des Food Court le midi en compagnie de cadres supérieurs tellement bilingues qu’ils speak français et English dans la même sentence.

Que je me nourris de faux Spécial K le matin qui me donnent envie d’alerter les autorités pour usurpation d’identité des croustillantes et délicieuses céréales françaises qui portent le même nom.

Que j’essaye désespérément de tutoyer mes collègues qui sont de 30 ans mes ainés parce que le « vous » est prohibé. A 20 ans ou 50, avec une rolex ou une swatch au poignet, sache que ton aura d’Homme accompli restera toujours traitée comme un misérable « tu » au Canada.

En fait, ça y est, la routine commence à établir ses quartiers au 564* côte des neiges. Je ne sais pas trop si je dois la craindre ou fêter enfin son arrivée. Mais bon, ce n’est jamais vraiment la routine lorsqu’on emménage dans un nouveau pays, à fortiori lorsqu’on fait un stage non rémunéré. Il y a ce temps d’adaptation, durant lequel on ne sait pas trop si on est la touriste Facebook du bureau du 28è étage qui se touche chaque matin devant la vue splendide, ou si on est bel et bien en train d’écrire un mail à valeur juridique en anglais destiné à tous les salariés de Danone.  Peut-être qu’il va tout bonnement finir à la corbeille ou si l’on reste optimiste, juste subir un sérieux ravalement de façade.

Mais les mails Danone un peu stylés, c’est pour les jours d’opulence. Jeudi, j’ai passé la journée à m’user les yeux sur des testaments pour voir à chaque fois si le lucky bastard en droit de s’amuser avec les billets verts des personnes décédées était le patron de mon cabinet.  Environ 200 testaments passés au crible,  allant de 1945 à nos jours, du parchemin scellé à la machine à écrire.  C’est assez perturbant de voir à quel point la mort, sujet tabou et sentimental par excellence, s’accompagne de détails administratifs agencés au millimètre près. On s’arme de prudence jusque dans la tombe. On se protège à l’aide d’une batterie de contrats contre l’irrationalité de notre échéance programmée, mais dans certains cas, ça frôle l’indécence.

Par exemple, ce monsieur qui avait prévu d’avoir des enfants mais qui a décidé, pour bien faire chier le monde, de faire un testament avant que ces derniers ne soient nés (Je suis sûr que c’est parce qu’il n’avait pas encore trouvé de femme qui veuille bien lui faire de gosses). Ce monsieur ne savait pas s’il voulait un enfant ou deux, ou trois ou cinq. Plusieurs cas étaient mis à l’étude :

-Si j’ai une fille et un garçon, 80% pour le garçon et 20% pour la fille.

-Si j’ai 2 filles et 1 garçon : 50% pour le garçon, et 50% à se partager entre les deux filles

Ouille. J’avais envie de rajouter sur la ligne : connard, et si t’as deux filles, tu fais comment ? Je propose qu’on donne tout à Ni Putes Ni Soumises (je ne connais pas d’autres organisations féministes engagées enragées , je m’en excuse)

Bon, à part passer mon temps à regarder des testaments,  je m’occupe de différentes façons : je perds ma carte bleue, je cherche des couettes , je vais voir des zombie walk, je fais la queue pour rentrer dans des bars bondés, je visite Montréal sous la pluie, et mes amis de France me manquent quand même.  ( peace love dédicace kikou jevouskiffe, venez à Montréal, il y a des billets à 400 euros et de la place dans mon lit, par terre, et sur le canapé… et dans le lit de ma coloc 😉 )

Je pense que c’est une expérience complètement différente d’être en stage et d’être en Erasmus. On rencontre beaucoup moins de gens, et surtout, il faut forcer les rencontres. Il faut se motiver pour contacter de parfaits inconnus et leur proposer un café, comme si je m’étais du jour au lendemain inscrite sur adopteunquébécois.com et que je cherchais un plan cul venu du froid. C’est que du fun, quoi.